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SASHA SIEM – Interview – Paris, dimanche 28 février 2016

SASHA SIEM - Interview - Paris, vendredi 28 février 2016Quand le classique devient alternatif, ça fait des étincelles. Fin février l’inclassable Sasha Siem est enfin venue présenter au public parisien son premier album à l’occasion du festival A Nous Paris Fireworks au Point Éphémère, seulement quelques mois avant la sortie de son nouveau disque qui atterrira dans les bacs le 17 juin. L’occasion idéale de découvrir cette artiste pour qui talent et originalité ne sont pas de vains mots .

Pour te présenter au public Français, peux-tu me dire d’où tu viens et comment tu as commencé à faire de la musique ?

Sasha Siem : Je suis née à Londres, mon père est Norvégien et ma mère est Anglaise. J’ai commencé à faire de la musique à l’âge de 5 ans, au piano, et c’est environ vers mes 11 ans que j’ai commencé à écrire des chansons. Ce fut le début d’un long voyage d’études musicales, et j’avais un peu oublié cet aspect-là en même temps. Puis je me suis finalement réveillée il y a quelques années. J’avais tellement travaillé, je m’étais tellement entraînée, et on m’avait confié des projets assez prestigieux en tant que compositrice, beaucoup à la fois, et je me suis alors rendue compte que le cœur n’y était plus. Et j’ai donc voulu me souvenir pourquoi j’avais commencé tout ça au départ, et je me suis rendue compte que c’était l’écriture de chansons, de mettre des mots en musique et des faire des expérimentations. Je suis donc revenue aux bases en redonnant vie à ma passion.

En 2010 tu es devenue la plus jeune compositrice anglaise à recevoir un « British Composer Award ». Qu’as-tu ressenti à ce moment précis de ta vie ?

Sasha Siem : C’était très surprenant car je ne m’y attendais pas du tout. Quand j’ai reçu ce prix ça m’a choquée d’une certaine manière et je me suis rendue compte que j’en étais déjà là si tôt dans ma vie. Je n’étais pas encore au sommet mais il n’y avait pas grand-chose de plus à attendre de ce monde-là. Je n’aime pas me retrouver coincée dans une boîte, c’est pour ça que j’ai voulu me lancer dans une nouvelle aventure.

Tu as une éducation classique, as-tu envisagé de te lancer dans une carrière classique justement ?

Sasha Siem : J’adore juste faire de la musique ! Quand j’étais petite j’aimais ça tellement, j’en faisais tout le temps, il n’y a jamais d’autre option pour moi, c’était ce que je voulais faire de ma vie. En même temps mon frère voulait devenir violoniste, il était très concentré dans cette optique alors que pour ma part j’étais plus détendue. C’est la vie qui m’a dirigée dans cette direction.

Toute ta famille était très impliquée dans la musique ?

Sasha Siem : Non, juste mon frère et moi, le reste de la famille n’était pas du tout dans la musique. Nous étions les bêtes curieuses de la famille !

Je suppose que tu sais jouer de plusieurs instruments, y-en-a-t-il un dont tu te sens particulièrement proche, et que tu joues peut-être sur scène ?

Sasha Siem : Le violoncelle est vraiment mon préféré, je ressens un profond amour pour cet instrument. C’est celui sur lequel j’ai commencé quand j’avais 7 ans et pendant longtemps j’ai cru que je serais violoncelliste. Ce lien, c’est quelque chose de très émotionnel. Quand je me suis rendue compte que je ne serais pas violoncelliste je ne pouvais plus en écouter, c’était trop douloureux. Je ressentais vraiment une interaction avec mon violoncelle. Mais depuis j’ai commencé à chanter mes chansons avec et c’est très fun.

Et quelle forme prennent tes chansons sur scène ? Est-ce difficile de rester fidèle au disque, dois-tu t’adapter ?

Sasha Siem : Ca dépend vraiment de la salle. La formation la plus fidèle à l’album c’est le quatuor à cordes car c’est ainsi que nous l’avons enregistré. Nous l’avons fait plusieurs fois en tournée, mais pour des concerts comme au Point Éphémère ça ne marche pas très bien, simplement parce que les cordes sont tellement difficiles à amplifier. Quand tu as seulement 20 minutes de balances le résultat n’est pas assez précis. Donc nous avons trouvé beaucoup de façons de nous adapter. Nous explorons constamment, à chaque tournée c’est une organisation légèrement différente. J’aime que ça reste frais !

Quel a été ton meilleur concert à ce jour ?

Sasha Siem : J’ai eu la chance de pouvoir faire des concerts vraiment très fun, et très différents, entre la salle où nous jouons aujourd’hui l’Opera House où nous avons fait nos premiers shows. C’est formidable, il y avait des personnages en costume qui se déplaçaient sur notre musique comme des danseurs. C’était un concept assez inhabituel. Et chaque soir était différent, on ne savait pas vraiment ce qui allait se passer, donc ça m’a beaucoup plu.

Tu as enregistré l’album avec Valgeir Sigurðsson en Islande, peux-tu me parler de votre travail ensemble ?

Sasha Siem : Valgeir est un producteur incroyable, il a travaillé avec Björk, Feist et plein de grands musiciens qui ont en commun le fait d’exister entre deux mondes. Et je pense que c’est pour cela que nous nous sommes bien entendus, parce qu’il comprend la musique classique et la Pop aussi. C’était vraiment nécessaire pour cet album d’avoir quelqu’un qui puisse maîtriser les deux et de créer quelque chose de nouveau. Ce fut une charmante expérience. Là-bas je me suis sentie comme dans ma famille, j’ai dû le connaître dans beaucoup de vies antérieures ! Le studio est dans sa maison où il vit avec sa femme et ses enfants et nous dormions là-bas aussi. Nous étions comme dans une bulle, pendant l’enregistrement je ne suis pas allée du tout à Reykjavík, nous sommes restés à l’intérieur, nous allions juste faire des ballades dans la nature aux alentours. C’était magique, je me suis sentie transportée.

Penses-tu que l’Islande a eu une influence sur l’atmosphère de l’album également ?

Sasha Siem : J’avais déjà écrit les chansons avant d’y aller mais l’Islande a eu un profond impact sur moi une fois là-bas. Je pense que ça a inspiré mon second album qui sortira bientôt !… Affaire à suivre ! Il y a en tout cas une magie puissante qui se dégage de cet endroit. Tu peux ressentir la mythologie et le mysticisme littéralement sortir du sol à travers ton corps. Après quelques jours là-bas tes pensées changent, ton cerveau est reprogrammé pour penser différemment.

‘Most Of The Boys’ est sorti il y a un an, et assez récemment en France avec une distribution de Caroline Records, comment le décrirais-tu au public ?

Sasha Siem : Je le vois comme une série de rimes pour adultes. A la base c’est un album très espiègle, il y a beaucoup de jeux de mots et j’y crée beaucoup de petits univers méticuleux. En terme de musique et de paroles je voulais que chaque mot et chaque note soient parfaits, immaculés. En terminant l’album il y avait comme une force qui voulait en sortir, qui arrivait subitement pour détruire cette jolie maison de poupées !

En ce qui concerne les textes, je trouve que ton disque sonne comme l’œuvre d’une femme indépendante, notamment lorsque tu dis “Most of the boys were experiments”… à travers des chansons de rupture où tu dis “So go, I don’t need anyone”… ou encore les paroles de “See Through”. Es-tu d’accord avec ça ? Il s’agit beaucoup de relations n’est-ce pas ?

Sasha Siem : Oui, ça parle de relations en effet, et de ce que cela veut dire d’être une jeune femme aujourd’hui. Quand j’ai lu les premières chroniques de l’album, ça parlait beaucoup de son aspect féministe, et j’y étais très réfractaire parce que je n’aime pas le fait de ne donner de l’importance qu’au sexe mais plutôt aux expériences humaines. Bien sûr quand je me penche à nouveau dessus je me rends compte qu’il traite beaucoup de la place de la femme dans le monde et de ce que c’est de grandir et de découvrir sa féminité. J’étais récemment à Milan pour la semaine de la mode et j’ai vécu quelque chose de très étrange. J’assistais à un défilé et ils ont ouvert les portes, les filles ont commencé à marcher, il y avait des centaines de gens qui s’exclamaient « oh ! C’est magnifique ! », et soudainement j’ai senti les larmes me monter au visage. Je regardais ces filles et elles étaient tellement minces et leur expression si triste que je me suis dit « c’est ça ce qui arrive aux femmes ? C’est ainsi que l’on est censé représenter et célébrer la femme ? »

SASHA SIEM - Interview - Paris, vendredi 28 février 2016

Il y a eu pas mal de scandales à ce sujet dans la mode, toutes ces mannequins obligées de ne pas manger pour être assez maigres…

Sasha Siem : Oui, et ça les vide également de toute force, plutôt que de célébrer leur beauté. Je pense que cet album essayait de comprendre comment être dans le monde en tant que femme.

En dehors de ce sujet, par quoi es-tu inspirée ?

Sasha Siem : Par le changement, je crois. Oui, la transformation. Les chansons me viennent généralement à l’esprit par lots, et sont souvent le résultat d’une transformation intérieure qui s’opère en moi. J’ai alors le sentiment de voir les choses avec un œil neuf, presque comme une révélation. Et je crois que ce que j’espère pour moi et pour tout le monde en fait, c’est de toujours grandir et de voir les choses différemment, sous un nouvel angle.

J’imagine que ta culture musicale est un mélange de Pop et de musique classique. Quels sont donc les artistes qui t’influencent le plus, quel que soit leur genre musical ?

Sasha Siem : En grandissant j’ai beaucoup écouté de vieux succès, notamment Leonard Cohen qui a été très important pour l’apprentissage des paroles. Je voulais écrire des textes qui soient aussi intéressants à lire sur papier qu’à écouter en musique. Mais aujourd’hui j’écoute également du Hip Hop, du Drum ‘n’ Bass et beaucoup de Folk, des musiques de cultures différentes. J’ai étudié le Fado pendant un moment, les complaintes portugaises. Donc à l’arrivée c’est un mélange de plein de choses !

En parlant de Drum ‘n’ Bass justement, tu as collaboré avec des artistes de musique électronique, est-ce une scène musicale dont tu te sens proche, tu apprécies les remixes ?

Sasha Siem : Oui, j’aime beaucoup ça. Pour le premier album il y a eu pas mal d’excellents remixes. Pour moi c’est très intéressant parce que je travaille avec des instruments acoustiques. Donc cette union avec l’électronique est passionnante parce qu’elle répond à la question « qu’est-ce que cela signifie d’être en vie ? ». Souvent nous marchons sans être totalement en vie, et c’est fou à quel point le mariage de l’électronique et des instruments traditionnels apporte ce sentiment de ‘musique vivante’.

En fin de compte il est difficile de te coller une étiquette, entre classique et alternatif. Aimes-tu ça le fait de ne pas pouvoir être vraiment comparée à d’autres artistes ?

Sasha Siem : Je crois que j’aimais bien ça au début, parce que je n’aime pas être mise en boîte, mais c’est un peu frustrant en même temps. Ça te fait te rendre compte à quel point l’industrie de la musique est conventionnelle, surtout quand il s’agit de choisir la bonne étiquette pour vendre un produit, ou quand un festival te demande dans quelle section il doit te caser, c’est très restrictif.

Pour finir parlons du nouvel album ! Il arrive bientôt, peux-tu m’en dire un peu plus, va-t-il être dans la lignée du premier ?

Sasha Siem : Je pense qu’il y a sans aucun doute une progression par rapport au premier. Il va plus en profondeur et il est moins centré sur le côté joueur, il est plus… sauvage, peut-être ! Garde un œil, il arrive très bientôt !

Propos recueillis à Paris le dimanche 28 février 2016

Un grand merci à Sasha Siem, ainsi qu’à Justine et Solenne de Boogie Drugstore pour avoir rendue cette interview possible.

Pour plus d’infos :

Voir les photos du concert au Point Ephémère, le 28 février 2016

Lire la chronique de ‘Most Of The Boys’ (2015)

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