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MINOR VICTORIES – Interview – Paris, mardi 19 avril 2016

Stuart Braithwaite (Mogwai), Rachel Goswell (Slowdive), Justin Lockey (Editors) & son frère réalisateur James Lockey… Rien que sur le papier, Minor Victories est un groupe excitant, et leur premier album éponyme qui sort cette semaine dépasse amplement le cadre d’un simple projet parallèle. Comme nous l’explique son initiateur Justin Lockey, c’est juste le début d’une belle aventure…

MINOR VICTORIES - Interview - Paris, mardi 19 avril 2016

Peux-tu me dire comment Minor Victories a commencé, vous vous connaissiez auparavant ?

Justin Lockey : Nous, nous ne nous connaissions pas. Mon manager est aussi celui de Slowdive, donc quand ils ont recommencé à faire des concerts il m’a suggéré de parler à Rachel pour voir si nous pouvions nous entendre. A ce moment-là j’avais l’intention de faire un projet musical en dehors d’Editors. Donc je l’ai contactée et je lui ai fait écouter un morceau qui deviendra plus tard « Out To Sea » sur l’album. Quelques mois après ça je suis parti enregistrer le dernier disque d’Editors et nous cherchions une voix féminine sur quelques titres. Rachel est venue, et elle en a profité pour me rappeler que nous avions commencé à faire quelque chose ensemble et qu’il serait bien de le finir. Quelques mois plus tard, alors que j’avais fini l’enregistrement avec Editors et qu’elle était en tournée elle m’a envoyé un sms tard dans la nuit alors qu’elle répétait avec Slowdive qui disait en gros « Il faut en faire plus, terminons ça ! ». J’ai dit « Super ! Il faut trouver un guitariste ! ». Elle m’a alors parlé de Stuart de Mogwai qu’elle avait souvent croisé dans des festivals. Elle l’a appelé et il était d’accord. Il nous a donc rejoints, et puis enfin mon frère avec qui je fais des films qui s’est mis à la basse, et… Nous avons commencé à faire un disque ! Ça avait commencé comme un projet parallèle, puis nous sommes devenus un vrai groupe.

Avais-tu une idée claire de ce que tu voulais faire lorsque tu as commencé ?

Justin Lockey : Non, je voulais faire un disque vraiment lourd quand j’ai commencé avec Rachel, mais les choses ne se passent jamais comme tu t’y attends. Plus nous écrivions et plus les chansons prenaient forme et commencèrent à avoir leur propre son. Les choses se sont simplement mises en place. Je ne peux pas vraiment l’expliquer, c’est juste le son du groupe, et tout cela est arrivé complètement par accident.

Je crois que vous ne vous êtes pas rencontrés en personne à ce moment-là, comment s’est passé la composition ?

Justin Lockey : En effet, nous ne nous sommes pas rencontrés avant le mois de mars cette année pour les premières répétitions. Nous avons commencé en échangeant des idées, au téléphone ou sur Skype et ça a vraiment fonctionné pour nous et pour l’équilibre des chansons. Inconsciemment nous ne voulions pas passer à l’étape suivante et nous retrouver ensemble en studio. D’abord nous avions tous d’autres occupations à côté, mais nous avions aussi un son qui était en train de prendre forme et je voulais continuer sur cette lancée parce que ça fonctionnait vraiment bien. Donc en gros si j’avais par exemple une idée au piano je l’envoyais à Stuart, puis il me la renvoyait, ensuite je la transmettais à James qui mettait de la batterie dessus avant de me la retourner aussi. Je faisais tout depuis une petite pièce dans mon studio et je passais mon temps à envoyer et recevoir chaque partie avant que cela ne devienne un morceau.

Minor VictoriesC’est un procédé que l’on voit de plus en plus parmi les groupes d’aujourd’hui, notamment lorsque les membres ne vivent pas au même endroit.

Justin Lockey : Oui, je crois que pour nous c’est simplement parce que nous étions la plupart du temps dans des pays différents, ce n’était pas possible de nous retrouver physiquement au même endroit. Mais nous étions tous très excités par ce projet et la forme que les choses prenaient.

Est-ce que ce fut difficile d’avancer sur ces compositions étant donné que vous aviez d’autres choses à faire avec vos groupes respectifs ?

Justin Lockey : Oui, un peu. Mais c’était aussi une forme de soulagement, même si ce n’est pas exactement le mot. Tu exorcises tes propres démons, parce qu’avec ton groupe tu fais ça différemment, et là il n’y avait pas de pression, nous pouvions faire ce que nous voulions, aussi bien musicalement qu’en terme de logistique. Nous pouvions y passer autant de temps que nous le voulions. Nous n’avions pas de délai à respecter, de date pour sortir le disque. Nous étions dans l’état d’esprit de faire ce disque quand nous avions le temps et de le sortir une fois terminé. Par exemple je crois que Rachel a enregistré le chant sur le dernier titre la veille de Noël. C’est ainsi que nous l’avons composé et qu’il a pris forme et je crois que si nous avions fait ça autrement ça n’aurait pas marché puisque nous ne nous connaissions pas. Donc nous nous faisions confiance sans nous connaître. Évidemment nous respections ce que chacun avait fait avec son groupe jusque-là, ce n’était donc pas un problème de confiance mais quand tu t’impliques dans un projet aussi personnel que de créer un groupe et faire un album, il y a en général une relation existante au préalable entre les membres, et là il n’y a rien de tout cela.

En fin de compte tu préfères être en compagnie d’un groupe ou fonctionner ainsi ?

Justin Lockey : C’est super d’avoir un groupe et de se retrouver ensemble, ça apporte notamment beaucoup d’énergie aux versions live des chansons, mais honnêtement j’aime autant les deux. J’aime aussi faire des choses seul, je passe pas mal de temps à voyager et je m’arrête dans beaucoup d’aéroports où je prends le temps de réfléchir et d’écrire. C’est une forme d’isolement. Puis les idées viennent et nous les mettons en forme ensemble en studio, c’était le cas pour ce projet, à la différence près que nous n’avons pas travaillé ensemble en studio mais chacun individuellement. C’est bien de tester des approches différentes de temps en temps pour avoir un son différent, sinon c’est toujours la même chose.

Donc en dehors de cette étape de composition, comment s’est passé l’enregistrement ?

Justin Lockey : De la même manière, nous enregistrions tout en écrivant.

Ce sont donc ces enregistrements qui ont été utilisés pour faire l’album ?

Justin Lockey : Oui, toutes les parties du disque. Stuart et James ont enregistré leur partie dans un studio mobile en Écosse, Rachel a enregistré le chant de chez elle, et j’ai fait de même chez moi.

Le producteur Tony Doogan a collaboré avec vous?

Justin Lockey : Il s’est occupé des enregistrements de guitare et de basse en Écosse. Puis il m’a envoyé ça ensuite pour que je l’ajoute au reste.

Il y a d’autres contributeurs à cet album, comme James de Twilight Sad sur « Scattered Ashes » ou Mark Kozelek sur « For You Always », combien de personnes ont participé au final ?

Justin Lockey : Quand nous avons commencé nous ne savions pas si tout cela allait devenir un groupe ou un projet, et avant de sonner comme un groupe nous pensions inviter de nombreux collaborateurs, puis tout a commencé à sonner de façon plus cohérente, comme un album, et je ne voulais pas compromettre l’équilibre du disque en invitant trop de monde. La chanson sur laquelle participe Mark Kozelek était très étrange quand j’ai commencé à l’écrire, comme du Philip Glass, et je ne pouvais pas vraiment déterminer comment y mettre une voix. Rachel m’a dit de l’envoyer à Mark, qu’il serait sans doute capable d’y apporter quelque chose de dingue, et c’est ce qu’il a fait ! C’était vraiment cool d’entendre ça quand il nous l’a renvoyé, très surprenant. Les paroles sont très personnelles, c’est comme une conversation téléphonique entre deux personnes. Les textes qu’il a apportés fonctionnent vraiment bien, mais c’est la chanson la plus bizarre sur laquelle j’ai jamais travaillé. Quand à James de Twilight Sad, Rachel voulait mettre du chant sur « Scattered Ashes », et je crois que ce sont les paroles les plus sombres de l’album. J’ai demandé à Rachel qui pourrait apporter des textes francs comportant une certaine noirceur. Stuart et moi n’étions pas vraiment disponibles à ce moment-là, je commençais notamment une tournée avec Editors, et James a fait de cette chanson ce qu’elle est maintenant.

Penses-tu que l’un des membres de Minor Victories a eu plus d’influence que les autres sur le son et le style de ce disque ? Comme par exemple « oh ! Ce mur de guitares, c’est Mogwai », ou « cette voix, c’est Slowdive ! ».

Justin Lockey : Étonnamment je ne trouve pas que Stuart ait tellement utilisé ce mur du son, cette impression vient plutôt de l’orchestration. J’ai tout rassemblé en tant que producteur donc je suppose que je suis un peu responsable de cet équilibre, mais en même temps je pense que nous l’avons tous été. Les éléments les plus Pop de l’album comme sur « Scattered Ashes » viennent de Stuart dont on n’attend pas forcément cela. Chacun fut impliqué à sa manière. D’un point de vue technique je l’ai produit et fait le lien entre tous ces éléments.

Finalement vois-tu Minor Victories comme un vrai groupe ou une expérimentation ?

Justin Lockey : Oui, comme un groupe, bien que tout cela ait commencé comme une expérimentation, mais quand les chansons ont commencé à se mettre en place, nous sonnions probablement plus comme un groupe que la plupart des groupes ! Maintenant c’est donc plus un groupe que quoi que ce soit d’autre, avec en plus l’album, la tournée, la promotion, toutes ces étapes par lesquelles passent les vrais groupes, ce qui est bizarre en effet parce que ça n’avait pas commencé ainsi.

Il y a aussi un lien étroit entre la musique et l’image chez Minor Victories, ton frère et toi avez des affinités envers les arts visuels je crois ?

Justin Lockey : Oui, nous faisons des vidéos musicales pour d’autres groupes. Quand la question de l’aspect visuel de ce groupe s’est posée il nous a semblé approprié de nous en occuper parce que nous aimons tellement ça, nous pouvions traduire la musique en images. A chaque fois que tu veux faire un clip tu envoies tes suggestions au réalisateur qui revient avec ses idées et souvent tu t’éloignes un peu du cœur du disque, alors que là ça avait du sens pour nous de faire les deux. Ça comble également le fossé de ne pas être un groupe au départ, puisque c’est généralement un groupe de personnes qui se connaissent et qui développent ces expériences en fonction de leurs relations et de leur entente. Nous n’avions pas tout cela avant le mois dernier, donc il y avait effectivement un fossé à ce niveau-là qui symbolise la naissance d’un groupe. Ces vidéos sont donc un symbole de notre personnalité si nous en avions été un dès le départ et reposent sur des choses qui nous intéressent. James, Stuart et moi sommes de grands fans de skateboard, nous en faisons tous les trois, donc ça aussi ça avait du sens (sur le clip de ‘Folk Arp’, ndlr). Chaque clip que nous avons réalisé comporte des symboles abstraits, l’un me ressemble plus parce que je ne connaissais pas encore les autres, mais au fur et à mesure que le groupe va évoluer ils seront probablement plus spécifiques.

MINOR VICTORIES - Interview - Paris, mardi 19 avril 2016

Essayais-tu de véhiculer quelque chose à travers les thèmes de ces vidéos ?

Justin Lockey : Un sens d’uniformité entre les diverses façons de s’exprimer, que ce soit la musique ou l’image. Elles n’ont pas toujours l’air liées, elles peuvent être totalement à côté de la plaque, mais puisque leur source est la même, c’est uniforme.

Vous avez commencé vos premières répétitions ensemble au mois de mars dernier, vous avez donc l’intention de jouer ces chansons en concert ?

Justin Lockey : Oui, beaucoup ! Nous avons quelques premières dates au Royaume-Uni au début de mois de mai, puis la saison des festivals et une tournée américaine en juin. On sera dans le coin mon pote ! Autant que possible ! Nous avons chacun nos groupes donc c’est toute une logistique à mettre en place pour que ça fonctionne, mais nous avons tous envie que ça marche.

Et si ça fonctionne, tu espères que Minor Victories puise devenir un projet sur le long terme ?

Justin Lockey : Oui, absolument ! Je ne pense pas y travailler que pour un seul album, il faut que ça continue. C’est le début d’un son qui repose sur beaucoup de titres différents sur un même album mais forgés dans la même pièce, il faut que ça progresse. Ça sonne bien maintenant, mais c’est notre premier disque et chaque album est une nouvelle étape, donc je te dis oui, sans aucun doute.

C’est un bon début !

Justin Lockey : Oui c’est pas mal du tout, j’en suis très fier ! Je l’ai écouté pendant le mixage après avoir travaillé dessus de façon intermittente depuis plus d’un an, et je me suis dit « oh ! Ça sonne comme un vrai album ! ».

Oui, d’un point de vue acoustique l’ensemble est très abouti, plein d’arrangements et ça ne sonne pas « fabriqué ».

Justin Lockey : Oui, c’est ça le truc ! Beaucoup de gens appellent ça « projet parallèle », et c’est un terme plutôt négatif pour moi, parce que quand tu fais un album tu t’y investis totalement. Le nommer ainsi insinue que les attentes ne sont pas au même niveau, et je ne le vois en aucune manière ainsi. C’est un groupe naturel, valable et qui fonctionne ! L’expression de quatre personnes qui vivent également des choses différentes. On verra ce qui se passe, mais je suis très fier du disque que nous venons de faire.

Donc pour conclure, tu considères Minor Victories comme une victoire majeure ?

Justin Lockey : Je le considérerai ainsi quand le disque sera fini, parce que pour moi cela implique que les clips et la tournée soient aussi terminés. J’ai également réorchestré l’album en entier et j’ai besoin de finir ça, et je pense que ça va continuer à évoluer. Peut-être que si tu me poses la même question dans 10 ans je serai capable de te donner une réponse. Ou peut-être te dirai-je « Merde ! Ce n’est pas encore fini… ». En tout cas je suis très fier que quatre étrangers aient fait un disque ensemble avec leurs talents respectifs pour atteindre un tel niveau. Je ne déteste rien sur cet album, j’aime tout ce qu’il contient, c’est une fierté.

Propos recueillis à Paris le mardi 19 avril 2016.

Un grand merci à Justin Lockey, Minor Victories, Marine Armand pour avoir rendue cette interview possible, ainsi qu’à toute l’équipe de Pias France.

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